Mon frère, Ulrich Schauerte (*1949) est organiste, chef de chœur et professeur de musique en Allemagne. De plus il est compositeur et improvisateur. Depuis sa prime jeunesse, c’est un passionné de musique française mais, à la campagne où nous vivions isolés, peu de partitions étaient disponibles. Le dimanche, à la première heure, il était alors « scotché » au poste de radio pour écouter une émission hebdomadaire de musique d’orgue. Un jour, ayant entendu pour la première fois la Toccata de Charles Marie Widor, il se précipite aussitôt sur l’orgue de l’église du village voisin afin de reproduire d’oreille ce qu’il venait d’entendre. Il pouvait improviser des heures durant. Parmi les compositeurs français, il aimait tout particulièrement Marcel Dupré. Lors de son concert en 1984 à Notre-Dame de Paris, il interpréta magistralement la célèbre Symphonie-Passion de cet auteur si rarement joué en France...
Un jour, en 1991, il a eu l’idée d’utiliser sa plaque d’immatriculation pour composer. Sur cette plaque, les lettres HSK représentent le sigle de la commune du Hoch-Sauerland-Kreis, une région vallonnée à une soixantaine de kilomètres de Cologne. En Allemagne, on dénomme les notes de musique par des lettres de l’alphabet. De nombreux compositeurs par exemple ont utilisé les notes B-A-C-H, les lettres du nom de famille de Johann Sebastian Bach, pour composer sur le motif musical si bémol-la-do-si bécarre. Les lettres H-S-K, quant à elles, se traduisent en musique par la succession des notes « si-mi bémol-do » (la lettre « K », non existante en musique, est remplacée par la lettre « C »). Contenant en germes les intervalles de tierce mineure, de triton et de septième, ces trois notes suffirent à mon frère pour composer une Toccata qui développe sans cesse dans un immense crescendo des variantes autour de ce motif.
Après avoir joué sa pièce en concert, j’ai décidé de l’enregistrer en 1995, sur les grandes orgues de Passau réputées comme étant les plus grandes au monde édifiées dans une église. 233 jeux sont répartis sur cinq instruments dans la cathédrale. Dans la nef centrale se situe le Grand Orgue (buffet de 1731), dans les nefs latérales, deux autres instruments, au-dessus de la coupole l’Orgue d’écho. L’Orgue de chœur, quant à lui, il se trouve à 101 mètres de distance du Grand Orgue. L’ensemble des cinq instruments est commandé par une console générale à cinq claviers qui nécessite 120.000 mètres de câbles électriques.
CD disponible sous la référence SYR 141310.